Les conseils du Pro

L’accessibilité ERP

(article paru dans notre newsletter n° 22)

Nous abordons ce sujet car l’accessibilité pour les commerces comme pour les bureaux, pour les services comme pour les immeubles, peut conditionner l’acquisition d’un bien (fonds de commerce ou immobilier), voire diminuer sa valeur et que, au même titre que les diagnostics techniques obligatoires, l’accessibilité aux personnes en situation de handicap va devenir un élément incontournable des transactions.

Ces dernières années, nous avons tous été soumis à un décret de 2006 qui rendait obligatoire l’accessibilité dans les ERP (Établissements Recevant du Public)  au 1er janvier 2015. Plaidant la méconnaissance du sujet, et les contraintes techniques, un délai avait été obtenu par les exploitants d’ERP afin que la mise aux normes puisse s’étaler jusqu’en 2019, délai conditionné, pour les structures concernées, par la signature d’un Ad'AP (Agenda d'Accessibilité Programmée).

En 2020, nous sommes donc, en théorie, avec des ERP accessibles aux personnes en situation de handicap. En théorie, car plusieurs cas de figure peuvent se présenter qui aboutissent, soit à une accessibilité partielle, soit au constat de l'impossibilité de l’accessibilité, soit encore à une accessibilité non validée. Et cela conditionne bien évidemment, non seulement l’activité de l’entreprise mais aussi, en fonction des situations (travaux à réaliser, démarches administratives à effectuer, audit à programmer….) sa valeur. Voyons donc quelles sont les différentes situations.

Tout d’abord il convient de préciser les différents points à analyser :

  • Les types de handicaps : on pense souvent au handicap en terme de PMR (Personnes à Mobilité Réduite). Si l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recense 5 types de handicap (moteur, sensoriel, psychique, mentale ainsi que les maladies invalidantes), l’accessibilité va s’attacher surtout aux handicaps moteurs et sensoriels, et parmi ces derniers, aux déficiences visuelles et auditives.
  • Les types d’ERP : en fonction de la classification de l’ERP, la réglementation n’est pas la même. On distingue 2 catégories : les ERP 1 à 4 (sommairement, les ERP qui accueillent plus de 100 personnes sur un seul niveau ou plus de 200 personnes tous niveaux confondus) et les ERP 5 qui représentent la majorité des ERP (500 000 sur 650 000 ERP en France).
  • Les différences de situation financière et patrimoniale : locaux utilisés par l’ERP isolés ou mixés avec des locaux non-ERP, propriété propre ou location, propriété individuelle ou copropriété. A ceci, il faut ajouter la situation financière de l’exploitant ou celle du propriétaire-bailleur, savoir si le bâtiment est classé ou inscrit aux monuments historiques, sans compter les caractéristiques techniques du bâtiment qui vont permettre ou non les travaux d’accessibilité.

Commençons par le plus simple. Les locaux sont aux normes (locaux neufs, travaux récents…). Il importe que l’exploitant informe le préfet du Département et la commission accessibilité de la Commune que les locaux sont aux normes en remplissant une attestation : sur la foi de cette attestation, la commune pourra éventuellement diligenter une visite de contrôle (et donner un avis) et le préfet devra prendre un arrêté comme quoi l’ERP est aux normes (si l’avis de la commune est favorable bien entendu ; en cas d’absence d’avis, celui-ci est réputé favorable à l’issue d’un délai de 2 mois). C’est cet arrêté qui va faire foi dans une transaction.
Attention ! L’avis de la commune peut être favorable avec des réserves (certains points doivent encore être améliorés...) ou défavorable pour des points qui peuvent apparaître mineurs mais indispensables, l’exemple le plus classique étant le repérage par vitrophanie d’une porte entièrement vitrée. Aussi, en cas de visite de contrôle de la commission accessibilité, la fourniture du rapport de visite de la commission sera nécessaire.

A ce stade, il convient de préciser que si certains gros travaux peuvent faire l’objet de dérogation (que nous verrons ci-dessous), d’autres, peu coûteux sont incontournables : bandes podotactiles, éclairages progressifs, vitrophanie, panonceaux… Sans compter le registre d’accessibilité obligatoire depuis fin 2017 (cf. notre newsletter n° 1 de septembre 2017).
Tous les locaux ne peuvent toutefois être rendus accessibles pour diverses raisons : ils bénéficient alors d’une dérogation, toujours actée par un arrêté préfectoral. Nous verrons plus bas les différentes dérogations possibles mais il faut signaler auparavant que dans certains cas de figure, l’Ad’AP, normalement achevé en 2019, peut être prorogé.

Si la durée d’exécution d’un Ad’AP ne peut excéder 3 ans (fin maxi le 31 mars 2019), dans les cas suivants, la durée peut être plus longue :

  • Pour les ERP de catégorie 1 à 4, ou pour les ensembles d’ERP comportant au moins un ERP de catégorie 1 à 4 : dans ce cas, la durée totale de l’exécution de l’agenda peut porter sur deux périodes de trois ans maximum.
  • Pour les ERP à patrimoine complexe : dans ce cas, la durée totale de l’exécution de l’agenda peut porter sur trois périodes de trois ans maximum (Patrimoine complexe : patrimoine composé de 50 bâtiments ou plus, ou situé dans 30 communes ou plus, ou avoir 40 bâtiments ou plus sur 25 communes ou plus).
  • Pour les ERP, isolé ou non, de catégorie 5, en cas de contraintes techniques ou financières particulière : dans ce cas, la durée totale de l’exécution de l’agenda peut porter sur deux périodes de trois ans maximum chacune.
  • En cas de force majeure : une prorogation d’au plus trois ans est accordée en cas de force majeure, renouvelable si cette durée ne suffit pas.
  • En cas de difficultés techniques ou financières graves ou imprévues ou en cas de reprise d’une procédure administrative : une prorogation de 12 mois maximum peut être prononcée par décision expresse.

Voyons maintenant les dérogations :

  • En cas de contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural. Celles-ci se vérifient à l'extérieur et, le cas échéant, à l'intérieur d'un ERP classé au titre des monuments historiques, ou sur un bâtiment situé dans un secteur sauvegardé, sur un établissement recevant du public situé aux abords et dans le champ de visibilité d'un monument historique classé ou inscrit, ou dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou dans un secteur sauvegardé, lorsque ces travaux sont de nature à porter atteinte à la qualité de ces espaces protégés.
  • En cas d’impossibilité technique résultant de l’environnement du bâtiment. Ces contraintes s’apprécient au regard des caractéristiques du terrain, de la présence de constructions existantes ou de contraintes liées au classement de la zone de construction, notamment, de la réglementation de prévention contre les inondations, ou des difficultés relatives aux caractéristiques de l’établissement ou à la nature des travaux réalisés.
  • En cas de disproportion manifeste : une dérogation peut être demandée pour disproportion manifeste entre les améliorations apportées par la mise en œuvre des prescriptions techniques d’accessibilité, d’une part, et leurs coûts, leurs effets sur l’usage du bâtiment et de ses abords ou la viabilité de l’exploitation de l’établissement, d’autre part. Deux hypothèses sont visées :
    • Lorsque le coût ou la nature des travaux d’accessibilité sont tels qu’ils s'avèrent impossibles à financer ou qu’ils ont un impact négatif critique sur la viabilité économique de l’ERP (l’existence de cette impossibilité ou de ces difficultés est établie notamment par le dépassement de seuils fixés par arrêté). De même, lorsqu’une rupture de la chaîne de déplacement au sein de l’emprise de l’établissement rend inutile la mise en œuvre d’une prescription technique d’accessibilité pour le ou les types de handicap déterminés.
    • Lorsque la réduction significative de l’espace dédié à l’activité de l’ERP, du fait de l’encombrement des aménagements requis et de l’impossibilité d’étendre la surface occupée entraînerait le déménagement de l’activité, une réduction importante de celle-ci et de son intérêt économique, voire la fermeture de l’établissement.
  • En cas de refus par l’assemblée générale des copropriétaires de réaliser des travaux d’accessibilité : lorsque les copropriétaires d’un bâtiment réunis en assemblée générale s’opposent, à la réalisation de travaux de mise en accessibilité dans les parties communes, l’ERP doit solliciter une dérogation.

Il reste un cas de figure non évoqué par la loi et donc tranché par le juge : lorsque l’exploitant de l’ERP est locataire et que le bail ne prévoit pas que la charge des travaux prescrits par l’administration incombe au preneur. Dans cette hypothèse et en l’absence de clause contraire, c’est au bailleur que revient la charge des travaux. En effet, en vertu de l’article 1719 du code civil, le propriétaire a l’obligation d’entretenir la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée : le bailleur doit remettre au preneur un local conforme à sa destination, c’est-à-dire à l’activité spécifiée dans le contrat. Quid d’un propriétaire qui ne veut (ou ne peut) pas assumer financièrement les travaux ?

Nous l’avons vu, les cas de dérogation permettent parfois d’alléger les contraintes de mise aux normes. Toutefois cette dérogation peut être permanente (caractéristiques du bâtiment, classification de l’environnement...) ou temporaire. La reprise d’une entreprise ayant obtenu, compte tenu de sa situation financière, une dérogation, ne permet pas d’assurer à un repreneur, dont l’ambition est de faire progresser fortement le Chiffre d’Affaires, qu’il pourra toujours bénéficier de cette dérogation. De la même manière, le rachat d’un immeuble dont la mise aux normes a été différée compte tenu de la situation financière du propriétaire, ne permet pas de garantir à l’acquéreur qu’il ne sera pas rapidement contraint de procéder aux travaux. Et ces considérations pèsent donc sur la valorisation du bien.
Nous ne pouvons donc qu’encourager les exploitants d’ERP (propriétaires comme locataires) à se pencher sérieusement sur ce dossier (pour ceux qui ne l'auraient pas encore fait) pour normaliser la situation : la pandémie a retardé les actions coercitives des Communes ou de l’État, mais ce ne devrait pas durer. Et les premières sanctions qui seront prises feront sensiblement chuter la valeur des biens non conformes.


Que vos affaires soient prospères !

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